Problématiques financières, économiques et humaines : Quand les thèses du « crédit social » de Douglas confortent la doctrine sociale de l’Eglise

Problématiques financières, économiques et humaines : Quand les thèses du « crédit social » de Douglas confortent la doctrine sociale de l’Eglise

                               

Dans sa première encyclique Deus Caritas Est (Dieu est amour), le Pape Benoît XVI écrit que « l’église est la famille de Dieu dans le monde. Dans cette famille, personne ne doit souffrir par manque de nécessaire… ». Aussi pour le souverain Pontife, le but d’un ordre juste consiste à garantir à chacun, dans le respect du principe de subsidiarité, sa part du bien commun. Cette dénonciation du saint siège du scandale de disparités criantes qui existe entre les hommes, soutient de plus belle les propositions financières du crédit social de l’ingénieur écossais Clifford Hugh Douglas (1879-1952).

Autant, le crédit social ne serait entaché de socialisme ni du communisme. D’ailleurs, face à l’inhumanité du capital, il serait aujourd’hui une réponse qu’accepte la doctrine sociale de l’Eglise.

Sur un plan tout à fait doctrinal, on peut expliquer le crédit social proposé à l’humanité par Douglas en 1918 comme un ensemble de principes dont la mise en application ferait l’organisme économique et social atteindre efficacement sa fin propre qui est le service des besoins humains. Tout de même, le crédit social ne créerait ni les biens ni les besoins, mais éliminerait tout écueil artificiel entre le blé dans les silos et le pain sur la table. N’émanant pas de Dieu mais établi par les hommes, Douglas trouvait que le système financier pouvait être ajusté pour servir les hommes et non plus, pour leur créer des difficultés.

Pour Douglas, sous un régime créditiste, on ne serait plus aux prises avec les problèmes strictement financiers qui harcèlent constamment les corps publics, les institutions, les familles et qui empoisonnent les rapports entre les individus. La finance ne serait plus qu’un système de comptabilité, exprimant en chiffres les valeurs relatives des produits et services, facilitant la mobilisation et la coordination des énergies nécessaires aux différentes phases de la production vers le produit fini et ; distribuant à tous les consommateurs le moyen de choisir librement et individuellement ce qui leur convient parmi les biens offerts immédiatement réalisables. Pour la première fois dans l’histoire, la sécurité économique absolue, sans condition restrictive, serait garantie à tous et  à chacun. L’indigence matérielle serait chose du passé. Cette sécurité économique, chaque citoyen en serait gratifié comme d’un droit de naissance, à seul titre de membre de la communauté, usufruitier sa vie durant d’un capital moderne. Ce capital est fait entre autres, des richesses naturelles, bien collectifs ; de la vie en association, avec l’incrementum qui en découle ; de la somme des découvertes, inventions, progrès technologiques, héritage toujours croissant des générations.

Ce capital communautaire, si productif, vaudrait à chacun de ses copropriétaires, à chaque citoyen, un dividende périodique du berceau à la tombe. Et vu le volume de production attribuable au capital commun, le dividende à chacun devrait être au moins suffisant pour couvrir les besoins essentiels de l’existence. Cela sans préjudice au salaire ou autre forme de récompense, en plus, à ceux qui participent personnellement à la production. Un revenu ainsi attaché à la personne et non plus uniquement à son statut dans l’embauche, soustrairait les individus à l’exploitation par d’autres êtres humains. Avec le nécessaire garanti, un homme se laisse moins bousculer et peut mieux embrasser la carrière de son choix. De même, libérer des soucis matériels pressants, les hommes pourraient s’appliquer à des activités libres, plus créatrices que le travail commandé, et poursuivre leur développement personnel par l’exercice de fonction purement économique. Le pain matériel ne serait plus l’occupation absorbante de leur vie. Dès lors, la fin de la vie économique pourrait être atteinte : joindre les biens aux besoins.

Clifford Hugh Douglas (1879-1952), concepteur du crédit social

Le crédit social, une doctrine  proche des enseignements de l’Eglise 

Officiellement, la collusion entre le crédit social et la doctrine sociale de l’Eglise catholique remonte à 1939. En effet, en cette année là, confrontés à la polémique que suscitait sans cesse la propagation de la doctrine de Douglas, les évêques du Canada avaient mandaté une commission de neuf théologiens afin d’en déterminer les fondements. Malgré la promiscuité du concept avec le collectivisme, la commission conclura quand même qu’il ne relevait pas du communisme mais rejoignait plutôt dans son essence même les enseignements de L’Eglise. C’est pourquoi depuis lors, les propositions financières de Douglas sont présentées à la lumière de la doctrine sociale de l’Eglise par les pèlerins de Saint Michel du journal « vers demain », une œuvre de presse catholique pour la justice sociale.

Selon les thèses de la doctrine sociale de l’Eglise (qui confortent valablement celles du crédit social), le but de l’économie, ce n’est pas de fournir des emplois, ni de faire des profits, ou la croissance à tout prix, mais de satisfaire les besoins humains dans le respect de la dignité et de la liberté de la personne humaine. C’est dire que le profit ne devrait pas être perçu comme la fin ultime, mais un moyen. La satisfaction des besoins humains, étant la fin recherchée. C’est ce que Benoît XVI dénonce dans son Encyclique « Caritas in veritate » (l’amour dans la vérité) : « le profit est utile si, en tant que moyen, il est orienté vers un but qui lui donne un sens relatif aussi bien quant à la façon de le créer que de l’utiliser. La visée exclusive du profit, s’il est produit de façon mauvaise ou s’il n’a pas le bien commun pour but ultime, risque de détruire la richesse et d’engendrer la pauvreté ». Aussi, le Saint Siège voudra que la finance qui est un moyen, un instrument et non une fin (son but est de financer la production et la distribution) soit soumise aux règles morales. Ce qu’il précise dans « Caritas in veritate » : « il faut enfin que la finance et tant que telle, avec ses structures et ses modalités de fonctionnement nécessairement renouvelées après le mauvais usage qu’en a été fait et qui a eu des conséquences néfastes sur l’économie réelle, redevienne un instrument visant à une meilleure production de richesse et au développement. Toute l’économie et toute la finance, et pas seulement quelques-uns de leurs secteurs doivent, en tant qu’instruments, être utilisés de manière éthique afin de créer les conditions favorables pour le développement de l’homme et des peuples ».

Ce vœu, son prédécesseur, le Pape Jean Paul II, l’avait également émis quelques années auparavant dans son Encyclique « Sollicitudo rei Socialis » en appelant à la conscience des plus nantis à rejeter le système financier actuel, érigé en ‘’structure de péché’’ et à combattre « le désir exclusif du profit et la  soif du pouvoir dans le but d’imposer aux autres, sa propre volonté »

Cependant, l’engagement du Saint Siège dans la dénonciation du scandale de disparités criantes qui caractérisent les hommes depuis la formation des Etats-nations date de Pie XI. En effet, dès 1931, ce chantre de la doctrine sociale de l’Eglise va s’insurger dans son Encyclique « Quadragesimo anno » contre l’abjection dans laquelle la finance tient l’humanité en comparant l’argent au sang économique de la nation : « Ce pouvoir est surtout considérable chez ceux qui, détenteurs et maître absolus de l’argent et du crédit, gouvernent le crédit et le dispensent selon leur plaisir. Par-là, ils distribuent le sang à l’organisme économique dont ils tiennent la vie entre leurs mains si bien que, sans leur consentement, nul ne peut plus respirer ». Et d’ajouter à propos de la déchéance du pouvoir politique : « les gouvernements sont déchus de leurs nobles fonctions et sont devenus les valets des intérêts privés. On a des lois pour protéger les remboursements aux faiseurs d’argent. On n’en a pas pour empêcher un être humain de mourir de misère ».

Cette prise de position du Vatican sur les grandes problématiques économiques et sociales qu’ont engendrées l’inhumanité du système d’argent, sera maintenue sous le magistère de Pie XII. Jean XXIII, Paul VI et Jean Paul II ne s’y dérogeront pas. De même, suivant la même logique, Benoît XVI  croisera le fer avec le capital. L’actuel Pape François s’inscrit dans la même posture.

Dieudonné Takouda

                                                                                             

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