Histoire, croyances et cultures d’Afrique : A la découverte du pays Kabiyè

Histoire, croyances et cultures d’Afrique : A la découverte du pays Kabiyè

Ayant historiquement eu une fonction sociale en servant d’exutoire face aux conquêtes musulmanes et aux razzias esclavagistes qui ont décimé longtemps la plaine, la montagne Kabiyè est aussi lieu d’origine. Un espace-temps où la géographie mythique coïncide l’histoire des origines avec « la descente du premier homme sur terre ». Ainsi, pour le Kabiyè, il n’y a pas d’avant, il n’y a pas d’ailleurs : tout commence dans la montagne avec la descente du premier homme sur terre. Tel se détermine depuis toujours le concept qui sous-tend l’identité de la société Kabiyè. Car, étant lieu de refuge, la montagne est avant tout lieu de naissance.

Venant de Lomé après 420 kilomètres d’asphalte sur la nationale No1 en allant dans la corne du Togo, le visiteur commence par découvrir à l’entrée de la préfecture de la Kozah

le paysage pittoresque du massif volcanique qui caractérise le pays Kabiyè. La ville de Kara, chef-lieu de la région de la Kara qui est d’une superficie de 11.629 Km carré ( soit 20,50 % du territoire national) est l’une des cinq régions administratives du Togo. La région tire son nom de la rivière qui traverse la ville d’Est en Ouest et englobe 7 préfectures dont Kéran, Kozah, Bassar, Doufelgou, Dankpen, Binah et Assoli.

Peuple homogène de tradition guerrière et très épris de leur liberté, les Kabiyè se verront défait militairement pour la première fois de leur histoire le 20 janvier 1898 et soumis à l’ordre Allemand.

En effet, selon les historiens, l’affrontement eut lieu sur les bords de la rivière Kara. Face à la puissance de destruction des armes utilisées par les troupes du Dr Kersting, la coalition des guerriers Kabiyè ( Lama, Yadè, Bohou, Tchitchao, Lao, Pya, Tcharè, Kouméa, Soumdina,Lassa, etc. ne pût barrer la voie à l’envahisseur. D’ailleurs, quelques jours plus tard, Kersting sera rejoint par le Baron von Massow, venant de Kabou (à l’ ouest du pays Kabiyè) après sa mise à sac, pour aider à la « pacification » rapide de ce territoire paléo nigritique dont la conquête, ajoutée aux acquis territoriaux d’alors vont donner naissance au Togo allemand.

Le Kabiyè face au Teuton

Avant l’avènement du Teuton, le Kabiyè échangeait avec d’autres cités comme Djougou ( Nord-Benin) et le royaume de Dagomba (actuel Ghana) et il semble qu’il n’a pas été surpris par son arrivée. La tradition orale conforte cette thèse et rapporte qu’une ou deux saisons avant l’irruption allemande, les avant-postes Kabiyè ont signalé l’arrivée d’un groupe d’hommes blancs chez leurs voisins Logba situés à l’Est de leur territoire. Effectivement en 1896, le premier gouverneur allemand au Togo, le Comte Zech a procédé aux premières reconnaissances du pays Kabiyè à partir des villages Logba ( territoire Nord-ouest béninois contigu aux Kabiyè) et sûrement des éclaireurs n’avaient pas manqué de remarquer le remous qu ‘ a pû occasionner une telle arrivée. De même, l’autre raison de la certitude que le Kabiyè savait la venue de l’homme blanc imminente vient du fait que bien avant cette sortie du Comte Zech en pays Logba, les Français, devenus entre temps maîtres du Dahomey (actuelle République du Bénin) dès la défaite du roi Behanzin en novembre 1892, avaient interdit le commerce des hommes à Djougou, comme partout d’ailleurs au Dahomey. A partir de là, nombre d’auteurs semblent unanimes pour dire que c’est les esclaves qui ont échappé à leur sort (parce qu’ils n’ont pas été vendus du fait de cette interdiction) qui ont sûrement témoigné aussitôt leur retour au pays. En donnant certainement de plus amples précisions sur l’homme blanc et ses méthodes. Dès lors, des stratégies auraient été mises en place pour contrecarrer son arrivée. Cette réponse paraît plausible d’autant que ne disposant pas de don d’ubiquité, le Kabiyè ne pouvait pas savoir d’avance par où passera l’envahisseur. Et pourtant, il l’aura attendu au bon endroit dans l’après-midi du 20 janvier 1898.

L’ éducation en pays Kabiyè

Organisée en classe d’âge masculine et féminine, l’éducation en pays Kabiyè se détermine pour l’homme à une initiation en deux temps. Il devient Evalu vers 18 ans et Kondo vers 25 ans. Par contre les femmes ne connaissent qu’une seule initiation : Akpèn vers 17 ans, avant leur mariage. Donc avant la prime initiation, c’est-à-dire l’Evatu et Akpèn, le garçon et la fille sont biya, des enfants. A partir de 13 ans, le garçon est Ewasiyè, c’est-à-dire « une personne utile » jusqu’à la puberté. Dès cet instant, il devient un apprenant de l’économie domestique : l’élevage de volaille, la garde du cheptel familial et la culture du champ paternel sont désormais son apanage. Quant à la fille, devenue Bêlè (jeune fille), elle est initiée en juillet. Elle change son statut d’initiée Akpèn en Asèyu (femme mariée) lorsqu’ elle quitte définitivement ses parents pour rejoindre son mari dans la maison de ses beaux parents communément en octobre-novembre. La première initiation du garçon consiste à l’introduire dans la classe des Evala pour trois années à l’issue desquelles il devient Sankayu, donc autorisé à se marier. Ce processus devra le conduire à la grande année d’initiation appelée Wa (celle-ci a lieu tous les cinq ans) à son nouveau statut d’Esakpa. Désormais, il est placé sous la coupe des aînés, les Kondona. L’ Esakpa deviendra Kondo, un guerrier avec la grande initiation quinquennale qui s’achève à la fin de la 4 ème année suivante : son initiation est ésotérique et militaire. Au sortir du Kondotu, le Kondo se mue en Ekulu. Il en a fini avec son éducation. Il devient citoyen et acteur de développement au niveau communautaire. Les Kabiyè de la Binah pratiquent eux aussi des initiations à caractère très viril comme Sikaring qui étymologiquement veut dire Sankayu qui signifie « se laver les mains, se purifier » et Karuu qui veut dire « être prêt à affronter les épreuves de la vie ». C’est une fête d’ initiation et de moisson. De même, il y a Hiling, la fête du fouet. C’est un rite initiatique par lequel les jeunes gens subissent des épreuves de courage et d’endurance leur ouvrant la voie du monde des adultes. Ces rites se déroulent communément en décembre.

Origines et mythes

L’ethnologie n’ayant pas pu établir une quelconque présence antérieure au Kabiyè, celui-ci se dit autochtone puisqu’il est depuis toujours maître de son territoire. De même, la chronologie ne cerne pas bien l’histoire des origines. Jusqu’à présent, l’âge réel des premières cités n’est pas connu. Toutefois, il y a lieu de préciser que le Kabiyè, le tem (kotokoli) et le lamba ont un même ascendant. Selon l’ethnologie, ils descendraient tous des « Lama », premiers habitants de la région venus de Lama Tessi ( Binah). Il semble que l’ancêtre mythique Kabiyè Saou vient également de Lama Tessi d’où il aurait émigré pour s’établir un peu plus à l’ouest. Cette nouvelle résidence va être dénommé Lama-Saoudè ( littéralement « chez Saou à Lama » ). A partir de là, l’histoire semble rejoindre la mythologie puisqu’on retrouve dans cette localité la marque imprimée dans la roche d’un pied humain. Serait-ce celui de l’ancêtre mythique Saou? Nul ne saurait le prouver. Tout de même, la cosmogonie Kabiyè postule que la cité, microcosme de l’univers est à la fois l’œuvre d’Esso ( le créateur) et des ancêtres fondateurs.

Facteur identitaire, l’idiome Kabiyè sert de ferment à l’homogénéité des croyances et coutumes de toute la communauté. Comme la croyance, il est vivace et demeure depuis toujours l’élément incontournable de la mythologie sociale de ce peuple africain.

Dieudonné Takouda

Innovafrica

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *