Georges Dukson : retour sur l’ engagement d’un « nègre » dans la libération de Paris

Georges Dukson : retour sur l’ engagement d’un « nègre » dans la libération de Paris

Alors que beaucoup de combattants noirs avaient participés aux côtés de leurs camarades blancs à la libération de Paris le 25 août 1944, le défilé de la victoire sur les Champs Elysées le lendemain 26 août sera une désillusion pour les africains. Tel fut le cas vécu par Georges Dukson qui sera tout simplement chassé du cortège du général Charles de Gaulle par les services d’ordre parce qu’il était un « nègre ». Retour sur l’engagement d’un combattant anti-fasciste qui participa pourtant activement à la libération de Paris.

Historiquement, l’ engagement du « nègre » Dukson aura déconstruit le narratif selon lequel les combattants noirs n’ ont pas participer à la libération de Paris. Raconté donc l’histoire de cette libération, c’est aussi évoqué le souvenir de Georges Dukson, alias le lion noir du XVII arrondissement et partisan non des moindres des Forces françaises de l’ intérieur (FFI).

Né à Port-Gentil (Gabon) en 1922 et mort à Paris le 11 novembre 1944, il rejoint l’armée française à l’ âge de 17 ans, encouragé dit-on par son père lui-même mobilisé pendant la première guerre mondiale. Après trois ans dans un camp de prisonniers en Allemagne, il s’ évade et retrouve Paris. Dans son livre « Ceux de Paris », le journaliste René Dunan écrira de lui : En 1944, il rejoint les FFI, principaux groupements militaires de la résistance intérieure française. Le jeune soldat ne se ménage pas et est de tous les combats. « Il n’a jamais ménagé ni sa peine, ni ses risques, ni sa vie », poursuit-il.

Ainsi, par ses initiatives audacieuses, nombre d’ auteurs qui ont écrit sur la libération de Paris sont unanimes pour dire que ses différentes manœuvres ont déstabilisé courant juin -juillet 1944 les lignes de défense nazi à Batignolles. Faisant des prisonniers dans les rangs allemands par-ci et capturant des chars d’assaut dont les fameux « Tigres », par là, sa bravoure sans normes motiva l’ hiérarchie militaire à le faire monter du grade de sergent à celui de sous-lieutenant.

Commentant dans un article publié sur la Fondation de la résistance française la photo (un peu plus haut) dans laquelle on voit le jeune Dukson le bras en écharpe, défilant aux côtés du général de Gaulle et d’ autres chefs de la résistance comme Georges Bidauld et Alexandre Parodi, le conservateur au Musée de l’ histoire vivante, Eric Lafon assure que plusieurs photographies de la scène ont été prises. Cependant, il indique qu’un peu plus loin, un sous-officier français va invité Dukson à quitter le cortège. « Mes recherches d’autres images vont confirmer que ce combattant de la libération de Paris a été sorti manu militari du cortège par ceux qui font office de service d’ordre », renseigne t-il. Dans le livre de Pierre Bourget, « Paris 1940-1944 », une autre photographie montre que l’ invitation du sous-officier adressée à Georges Dukson se transforme en vigoureuse et violente mise à l’ écart.

Selon le professeur de sociologie Gary Younge de l’ Université de Manchester (Angleterre), cet état de choses provenait de la volonté délibérée aussi bien des dirigeants de la résistance que de l’ Amérique ségrégationniste (qui finançait l’ effort de guerre français) d’ exclure les noirs de l’ histoire de la libération de Paris. Le sociologue explique dans les colonnes du Financial Times qu’il y a eu à ce propos dès décembre 1943 un accommodement entre le commandant suprême des forces alliées, le général Dwight Eisenhower et de Gaulle.

En somme, comme la suite nous le démontrera peu de temps après avec la tuerie des combattants africains de la 2 ème guerre mondiale à Thiaroye (Sénégal) parce qu’ils réclamaient leurs droits, la libération de Paris n’aura pas servi les intérêts des noirs africains. Au contraire, remise en selle après l’effondrement de l’ Allemagne nazie grâce justement à la participation de ces noirs à l’ effort de guerre français, la France coloniale va accentuer sa logique de domination sur l’Afrique. Comme quoi, les « nègres » auront pris part à une guerre qui ne les concernaient pas.

Dieudonné Takouda

Innovafrica

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